15 millions de dollars, c’est le prix offert par la justice américaine à toute personne qui fournira des informations « pouvant conduire à l’arrestation et à la détention » du président du Venezuela, Nicolas Maduro. 10 millions sont offerts pour Diosdado Cabello, président de l’Assemblée Nationale constituante, et d’autres dirigeants actuels, comme Tareck El Aissami ainsi que pour d’anciens fonctionnaires.

Ils sont poursuivis par le ministère américain de la justice. L’annonce a été faite par le procureur général William Barr, et des procureurs fédéraux des tribunaux de New York et de Floride, entre autres. « J’ai un message pour les hauts fonctionnaires du chavisme : la fête est finie », a par exemple déclaré Ariana Fajardo, le procureur de Floride du Sud.
Les autres accusés sont Vladimir Padrino Lopez, ministre de la défense, et Maikel Moreno, président de la Cour suprême de justice.
Tous sont accusés de narco-terrorisme. M. Barr a déclaré que le gouvernement vénézuélien cherche à « inonder les États-Unis (US) de cocaïne », et qu’il a envoyé entre 200 et 250 tonnes de cocaïne, l’équivalent de 30 millions de doses. Seln lui, cette opération « d’inondation » serait coordonnée, avec le secteur des FARC colombiennes qui a repris les armes.
L’accusation ne tient cependant pas la route selon les données internes des Etats-Unis eux-mêmes, qui montrent qu’environ 90 % de la cocaïne destinée aux États-Unis est acheminée par les routes des Caraïbes occidentales et du Pacifique oriental, et non par les mers des Caraïbes orientales du Venezuela.
La raison invoquée pour mettre à prix la tête du président vénézuélien et de Cabello, du fait de leur rôle central au sein du chavisme, sert d’argument formel pour justifier un nouveau point de non-retour dans l’attaque contre le gouvernement vénézuélien.
La nouvelle étape franchie par les États-Unis intervient en même temps que l’accusation du gouvernement vénézuélien de la tentative d’activation d’un nouveau plan de coup d’État. Le président Maduro a dénoncé que le 23 mars, une cargaison d’armes à destination du Venezuela avait été saisie à Santa Marta, en Colombie.
Cette dénonciation a pris une tournure inattendue, voire inespérée quelques heures après l’annonce du ministère américain de la Justice : Cliver Alcalá, un général en fuite en Colombie qui a plusieurs fois été pointé du doigt pour sa participation à des complots en vue d’un coup d’État, a publiquement admis être derrière les armes saisies qui devaient être « utilisées pour constituer une unité militaire en vue de libérer le pays et d’éliminer ‘chirurgicalement’ les cibles ».
Les déclarations d’Alcalá ont révélé non seulement sa participation mais aussi celle de Juan Guaidó qui, selon Alcalá, « a signé un contrat en Colombie avec des conseillers américains » pour l’achat des armes. Le fugitif a affirmé que le gouvernement colombien était au courant de l’opération.
La singularité de la déclaration d’Alcalá est qu’il est l’une des personnes dont le gouvernement américain a mis la tête à prix avec celle de Maduro et de Cabello. Ce qui signifie qu’après la plainte du ministère de la Justice contre lui, il a décidé de révéler l’existence du plan et de plusieurs de ses acteurs.
À cet égard, Jorge Rodríguez, ministre de la Communication, a expliqué que Alcalá aurait été inclus dans la liste parce qu’il n’avait pas réussi à accélérer les objectifs des opérations militaires. Quant à ses aveux, ils étaient dus, explique Rodríguez, à la peur d’être tué, comme l’a dénoncé Alcalá lui-même : « Je suis chez moi, je ne suis pas en fuite, il m’ont signalé qu’ils pourraient faire de moi un faux positif », c’est-à-dire assassiné.
Cette série d’événements a ainsi posé trois éléments sur la table. Premièrement, que les États-Unis ont approfondi le scénario d’une tentative de renverser Maduro par des actions de force. Deuxièmement, que ces opérations sont en cours, avec la Colombie comme principal territoire de préparation et avec des conseillers nord-américains aux commandes. Et, enfin, que l’une de ces opérations centrales a réussi à être arrêtée.
Cette politique américaine s’inscrit à contre-courant des voix internationales qui appellent à la décrispation à l’égard du Venezuela face à la pandémie. Ainsi, par exemple, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits humains, Michelle Bachelet, a déclaré que « en ce moment décisif, les sanctions sectorielles devraient être atténuées ou suspendues ».
Dans le même sens, Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a déclaré : « Nous avons accepté de soutenir la demande de l’Iran et aussi la demande de soutien financier du Venezuela au FMI (…) ils sont dans une situation très difficile, notamment en raison des sanctions américaines qui les empêchent de tirer des revenus de la vente de pétrole ».
Ainsi, spéculant sur la crise du coronavirus, des conflits géopolitiques et de la campagne électorale, la politique américaine dirigée par Donald Trump non seulement ne désamorce pas le blocus, mais accélère et met à prix la tête du chef de l’État et de membres du gouvernement vénézuélien.
Marco Teruggi
Source : https://www.pagina12.com.ar/ Traduction : Venesol