Isolement et état de siège.
Des psychologues et même le Président de la République ont recommandé de prendre l’isolement avec humour. Pour ce peuple habitué à l’adversité et à la plaisanterie, ce genre de conseil n’est pas vraiment nécessaire : un message circule sur les réseaux sociaux montrant une femme souriante, assise et levant sa bière en signe de santé accompagné de la légende : « Les Vénézuéliens regardent le reste du monde devenir fou à cause du manque d’approvisionnement, des défaillances des services publics, des dévaluations soudaines et du sentiment général que l’Apocalypse approche ».

En effet, nous sommes descendus dans le neuvième cercle de l’enfer et nous en revenons : notre Apocalypse s’appelait « sanctions ». Mais ce mot ne rend pas compte du blocus permanent que le gouvernement américain et l’Union européenne ont maintenu contre notre peuple. On entend souvent dire que les gringos ont décidé de mettre fin au « projet bolivarien », mais ce n’est pas vrai : l’impérialisme a décidé de liquider le Venezuela, de faire de nous un non-pays ou, comme disent les spécialistes, « un État en faillite ».
Ces expressions propres aux médias masquent la réalité de milliers d’hommes et de femmes qui souffrent de situations inhumaines, aggravées par une administration qui continue à parier sur les « bourgeois révolutionnaires » et sur les « hommes d’affaires patriotes » alors qu’en face, un gouvernement imaginaire présidé par Juan Guaidó, « reconnu par une centaine de pays » dispose pour leur seul profit des biens et de ressources confisqués aux Vénézuéliens. Le rideau se ferme et la pièce s’intitule : « Démocratie » ?
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Notre Hollywood quotidien.
En ces temps d’enfermement (j’aime dire physique et non social), une campagne de lecture recommandées et de films à regarder à la maison a été déclenchée. Le gouvernement gringo a naturellement choisi de faire appel au genre américain par excellence : le western. Dans une scène digne d’un film des frères Cohen, le procureur général des États-Unis a mis à prix la tête du président Nicolas Maduro et d’autres fonctionnaires du gouvernement vénézuélien accusés de narco-terrorisme.
Dans la liste des accusés, on trouve aussi d’autres personnages qui ne sont pas chavistes, comme ce général de division (r) de l’armée, Clíver Alcalá, qui ne peut pas s’en tenir aux règles du genre cinématographique yankee et qui a pimenté l’intrigue avec un peu de mélodrame latino-américain (sans oublier la composante film d’action).

Alcalá est revenu sur le devant de la scène il y a quelques jours avec une interview radio dans laquelle il a admis qu’il coordonnait le transfert d’un arsenal d’armes depuis la frontière colombienne pour mener une nouvelle croisade démocratique sur le sol vénézuélien. Ce « Captain America » a également déclaré qu’il coordonnait les camps d’entraînement paramilitaires en Colombie. Alcalá n’est évidemment pas seul dans ce rôle glorieux : il a précisé que dans cette bataille titanesque pour la libération du Venezuela, il est accompagné de « conseillers américains » et devinez de qui ? Du « président en charge » Juan Guaidó…
Quelques indications pour la bande annonce : Un pays assiégé / un virus mortel / des expéditions libératrices…
Si vous venez nous sauver, que ce soit en 3D et avec Uma Thurman, s’il vous plaît !
Neirlay Andrade,
militante communiste et journaliste vénézuélienne