Le royaume de Guaido tremble

Devant la volonté de Guaido de mettre le pays à feu et à sang, l’ancien candidat d’opposition à la présidence Henrique Capriles Radonski a envoyé trois émissaires au département d’État des USA pour les supplier de mettre fin à l’opération Guaido. De nombreux opposants constatent que la radicalité du Gang de Guaido augmente au fur et à mesure que sa popularité s’effondre.

Depuis que le Venezuela a facilement mis fin à un coup d’État rocambolesque mené par un nord-américain, un doute plane sur Juan Guaido, le chef de l’opposition soutenu par Washington. Certains de ses collègues remettent en question non seulement leur confiance en lui, mais aussi l’approche de l’administration Trump pour destituer le président Nicolas Maduro.

Les parlementaires de l’opposition ont contacté le Département d’État américain pour demander un changement de direction, voire de leadership, selon cinq personnes ayant une connaissance directe de la question. Plusieurs ont suggéré de nouvelles négociations avec Maduro, tandis que d’autres veulent des élections parlementaires. Guaido a rejeté ces deux propositions.

La crise qui se propage dans le pays à cause des quarantaines et des pénuries dues au coronavirus serait selon certains une occasion de gagner les cœurs et les esprits. Ils veulent que les subventions destinées aux familles les plus pauvres proviennent de fonds contrôlés par Guaido — plus de politique sociale et moins de démagogie diplomatique. Un ancien chef de l’opposition, sous couvert de l’anonymat déclare catégoriquement que le leadership de Guaido est terminé.

Dans une certaine mesure, de telles manœuvres et luttes intestines font partie intégrante de la politique, où que ce soit. Le fait que les dissidents ne veulent pas s’exprimer publiquement prouve qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner pour l’instant. Dans l’ensemble, les partis d’opposition disent que tant que Guaido conservera le soutien des États-Unis, il ne sera pas remplacé, du moins pas cette année.

Jalousie et coups de poignard dans le dos

L’administration Trump reste entièrement derrière lui. Comme l’a dit un haut fonctionnaire : « Les coups de poignard dans le dos et la jalousie sont de mise. Nous pensons que la majorité de l’opposition est unie derrière Juan Guaido ».

Pourtant, il est plus faible qu’il ne l’a jamais été au cours des 16 mois qui se sont écoulés depuis que la réélection de Maduro a été rejetée comme truquée et que Guaido, qui dirige l’Assemblée nationale démocratiquement élue, a été déclaré président intérimaire légitime par les États-Unis et une cinquantaine d’autres pays.

« Il n’y a aucune chance que Guaido s’en sorte indemne », a déclaré Luis Vicente Leon, président de Datanalisis, l’institut de sondage de Caracas. Il y a quatorze mois, selon les sondages de Leon, 63% des Vénézuéliens pensaient qu’un changement de gouvernement était possible ; aujourd’hui, ce chiffre est de 20%.

Interrogé, le bureau de Guaido a déclaré : « Le remplacer serait préjudiciable aux forces démocratiques, car il est le seul dirigeant qui ait réussi à réunir un large soutien international contre Maduro ».

Les derniers problèmes de Guaido sont le résultat de sa réaction au récent raid bâclé mené par un Béret vert [NDLT : forces spéciales US] à la retraite. Il a d’abord déclaré que cette opération avait été mise en scène par le régime de Maduro et qu’il n’avait aucun lien avec elle. Mais le chef américain de l’opération, Jordan Goudreau, a rendu public un contrat qu’il avait signé avec deux collaborateurs de Guaido et un enregistrement d’une conversation avec Guaido lui-même.

Conseillers licenciés

Par la suite, mis sous pression pour licencier ces deux signataires, Guaido a fini par accepter leur démission. L’un des hommes a reconnu avir négocié le contrat avec Goudreau, mais a déclaré qu’il avait annulé sa participation à l’opération quand il a vu à quel point elle était mal planifiée. Entre-temps, Guaido a évité la plupart des questions des journalistes et reste sur la défensive.

David Smilde, un expert du Venezuela à l’université de Tulane, pense que Guaido vit son pire moment. « L’incursion bâclée érode définitivement le leadership de Guaido, tant au niveau national qu’international », a-t-il déclaré. « Ses niveaux de soutien étaient déjà en baisse constante au cours des derniers mois, car il n’a pas été en mesure d’assurer la transition rapide qu’il avait promise ». Mais M. Smilde affirme qu’il est toujours en sécurité et que « Guaido reste le leader le plus populaire du pays ».

D’autre part, l’analyste politique de Caracas, Dimitris Pantoulas, a déclaré que le temps de Guaido semble révolu : « Il doit faire des concessions aux autres partis politiques, et les autres leaders politiques vont critiquer plus explicitement ce qu’il fait et dit ».

Outre l’invasion de bouffons, les parlementaires de l’opposition se plaignent que la stratégie de destitution de Maduro est trop étroitement contrôlée par Guaido, son mentor Leopoldo Lopez et les fonctionnaires état-uniens. L’administration Trump a imposé des sanctions sévères au Venezuela ainsi qu’à ses hauts fonctionnaires et a accusé beaucoup de personnes de trafic de drogue.

Élections aux États-Unis

Plusieurs députés estiment que la planification doit être déplacée de Washington à Caracas, en consultation avec toutes les parties. Une partie de ce qui motive la politique américaine, disent-ils, est la prochaine élection américaine et le désir du président Donald Trump de gagner les votes des exilés vénézuéliens et cubains en Floride.

L’analyste Pantoulas a traduit ce sentiment en disant : « La stratégie état-unienne sur le Venezuela est liée à la politique des USA et aux électeurs des USA et ne va pas toujours de pair avec les besoins de Caracas ».

Primero Justicia [NDLT – Justice d’abord], l’un des principaux partis d’opposition, a publié une déclaration après l’échec du raid, demandant de nouveaux mécanismes de prise de décision pour l’opposition « afin que l’unité soit respectée et que la lutte se concentre sur la sortie de Maduro ». Il a déclaré que trop d’énergie est gaspillée pour « la création d’une caste bureaucratique plutôt que pour le changement politique ».

Henrique Capriles, qui a fondé Primero Justicia, affirme depuis des mois que les échecs de Guaido en 2019 ne doivent pas se reproduire et qu’il faut négocier avec Maduro. Ses partisans ont suggéré qu’il remplace Guaido.

Il faut changer les règles du jeu

« Que proposez-vous aux gens en 2020 ? » Capriles l’avait déjà dit en janvier. « Les cartes doivent être redistribuées. »

Plusieurs députés veulent des négociations avec Maduro pour les élections législatives de cette année. Ils estiment que la crise économique va s’aggraver, que le système de santé vidé de sa substance pourrait s’effondrer et que le gouvernement Maduro pourrait être contraint d’accepter des conditions électorales équitables et une aide humanitaire.

Le Venezuela entre dans son troisième mois de quarantaine, avec une pénurie de produits de base et d’essence et une inflation annuelle de 3.173%, selon l’indice Bloomberg Cafe con Leche.

En fin de compte, de nombreux Vénézuéliens disent que leurs sentiments à l’égard de Guaido importent moins que ce que certaines personnes du nord sont prêtes à risquer pour se débarrasser de Maduro.

« Si c’était un film, Guaido serait le second rôle », a déclaré Leon, le sondeur. « Le rôle principal est celui de Trump. »

Alex Vasquez
avec l’aide de Ben Bartenstein

Source : https://www.bloomberg.com/
Traduction : Venesol