Parodie de justice

La semaine dernière, le système judiciaire britannique a autorisé la saisie officielle (et illégale) des réserves d’or de l’État vénézuélien déposées à la Banque d’Angleterre. Il s’agit d’un milliard de dollars en lingots d’or (31 tonnes pour être exact) que le Venezuela voulait utiliser pour l’achat de matériel médical et d’autres fournitures urgentes afin de renforcer sa lutte contre la pandémie de Covid-19. Mais le pillage de l’or vénézuélien était déjà décidé depuis 2018

Manifestation devant la Banque d’Angleterre
pour exiger la restitution de l’or vénézuélien. Photo : Twitter

La décision du juge Nigel Teare, contraire aux intérêts du Venezuela, se base sur le principe que le député Juan Guaidó est « l’authentique président du Venezuela », reconnu par le gouvernement du Royaume-Uni et une douzaine de pays proches des États-Unis qui soutiennent un programme de guerre diplomatique et économique pour renverser le gouvernement constitutionnel de Nicolás Maduro.

« Le gouvernement de Sa Majesté reconnaît Guaidó comme président constitutionnel intérimaire du Venezuela et, par conséquent, ne reconnaît pas Maduro comme président constitutionnel intérimaire (sic) du Venezuela », a déclaré M. Teare.

La Banque centrale du Venezuela avait porté l’affaire devant les tribunaux britanniques suite au refus de la Banque d’Angleterre de libérer l’or, après avoir épuisé une série de mesures prises depuis 2018 par l’institution vénézuélienne pour prendre le contrôle des lingots.

En ce sens, la formalisation du pillage des ressources du Venezuela aux mains de la Banque d’Angleterre implique une escalade du blocus économique contre le pays sud-américain et confirme le rôle auxiliaire du gouvernement britannique dans la campagne internationale de harcèlement et de démolition des institutions vénézuéliennes.

Dans le même temps, l’arrêt de la justice britannique crée un grave précédent en droit international et implique directement Juan Guaidó dans le pillage du patrimoine public de la nation vénézuélienne, puisque depuis l’année dernière, il demande à la Banque d’Angleterre de ne pas autoriser la Banque centrale du Venezuela à accéder aux lingots.

Vu sous cet angle, le député de Voluntad Popular est directement responsable non seulement du pillage des biens de la République, mais aussi de l’augmentation des difficultés du pays à faire face à la pandémie et aussi à réactiver une économie assiégée par le blocus américain.

Mais pour diverses raisons, le jugement de la Haute Cour britannique ne correspond pas à des principes juridiques. On peut même se dire que la décision de saisir illégalement l’or vénézuélien avait déjà été prise il y a des années.

Ceci est apparu clairement dès 2018, lorsque l’actuel Premier ministre, Boris Johnson, alors ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni sous l’administration conservatrice de Theresa May. Au début de cette année-là, M. Johnson avait déclaré : « Nous devrons peut-être resserrer la vis économique sur le Venezuela ». Une déclaration d’intention de ce qui allait suivre…

Boris Johnson et Theresa May. Photo : Thierry Charlier

Cette déclaration a été faite dans le contexte des tentatives de la Banque centrale du Venezuela pour avoir accès à l’or de la Banque d’Angleterre. À Londres, des fonctionnaires de l’institution britannique ont rejeté la demande à plusieurs reprises, selon le Financial Times.

En d’autres termes, bien avant que Guaidó ne se proclame « président » du Venezuela, la Banque d’Angleterre était déjà déterminée à garder illégalement l’or, ce qui affaiblit l’argument juridique de la Haute Cour britannique pour bloquer sa libération en raison du faux intérim de Juan Guaidó.

En janvier 2019, lorsque Juan Guidó a sauté dans le vide en s’autoproclamant « président » avec la permission de l’administration Trump, l’établissement financier Bloomberg a averti que le secrétaire d’État Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale de l’époque, John Bolton, avaient fait pression sur le gouvernement britannique pour couper l’accès de Maduro à l’or déposé à la Banque d’Angleterre.

Ces pressions ont été confirmées dans le livre récemment publié par John Bolton, où il révèle que le ministre britannique des affaires étrangères (à l’époque, c’était Jeremy Hunt) a offert sa coopération dans la campagne pour le changement de régime en gelant l’or vénézuélien peu après l’autoproclamation de Guaidó.

Quelques jours plus tard, Hunt a publiquement demandé à la Banque d’Angleterre d’empêcher l’accès aux fonds par les autorités vénézuéliennes. Cette demande publique est due au fait que la banque britannique, depuis 1997, est une institution autonome dans son fonctionnement et que l’exécutif ne peut pas s’immiscer directement dans ses décisions.

Mais la pression du gouvernement a rempli son rôle et la Banque d’Angleterre a retenu l’or conformément à la reconnaissance de John Guaidó par le ministère des Affaires étrangères, une décision rendue officielle début février.

Dominic Raab, secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères,
et Juan Guaidó lors d’une réunion début 2020. Photo : Archive

Tout au long de l’année 2019, la Banque d’Angleterre a justifié son refus de débloquer les fonds par les sanctions américaines contre la Banque centrale du Venezuela. Avec cet argument, le Royaume-Uni a admis qu’un pays étranger, en l’occurrence les États-Unis, exerce sa juridiction sur le territoire britannique en passant par-dessus ses propres lois nationales. Une autre déclaration d’intention.

Cette série de déclarations, de pressions souterraines et d’accords politiques avec l’administration Trump montre que la décision du système judiciaire britannique ne correspond à aucun critère juridique. La décision avait déjà été prise. Depuis 2018, des travaux se poursuivent avec insistance pour dérober l’or du Venezuela comme outil complémentaire du blocus économique contre le pays sud-américain, soutenu aujourd’hui par la reconnaissance du gouvernement imaginaire de Guaidó.

La décision de la justice britannique était une parodie pour formaliser le pillage qui avait déjà eu lieu de facto depuis deux ans.

Et on pouvait difficilement attendre autre chose du Royaume-Uni. Au XIXe siècle, il a soutenu le pillage du territoire d’Esequibo et était sur le point d’intervenir militairement en pleine guerre fédérale en faveur de l’oligarchie vénézuélienne, après l’offre faite par les ancêtres de Leopoldo López et María Corina Machado, Juan José Mendoza et Nicómedes Zuloaga, qui consistait à remettre tout Guayana à la couronne britannique en échange de l’entrée dans le conflit et de la destruction de l’armée d’Ezequiel Zamora.

Gravure de Willy Stowe représentant le blocus naval de la côte vénézuélienne en 1902. Photo : Archives

Au début du XXe siècle, la marine britannique a effectué un blocus naval du Venezuela et a bombardé ses principaux ports pour exiger le remboursement d’une dette contractée auprès de sociétés britanniques.

Les décisions actuelles semblent dictées par ce comportement impérial qui continue à déterminer la politique étrangère britannique. Un retour à la diplomatie de la canonnière…

Source : mision verdad

Traduction : Venesol