Jusqu’à quand faudra-t-il encore attendre au Venezuela ?
Enfin ! En Argentine, la loi permettant un accès libre, légal, sécurisé et gratuit à l’avortement jusqu’à la 14e semaine de grossesse a été adoptée.

Cette avancée fait de l’Argentine la deuxième nation d’Amérique du Sud et la sixième de toute l’Amérique latine à dépénaliser totalement l’avortement.
D’autre part, elle encourage le mouvement féministe latino-américain à inscrire à l’agenda politique la fin de la clandestinité de l’avortement.
Le Venezuela n’échappe pas à cet objectif. Avec plus de deux décennies d’une révolution socialiste au pouvoir, elle dispose d’une des législations les plus punitives de la région. L’avortement est toujours criminalisé, sauf lorsqu’il s’agit de sauver la vie de la femme enceinte.
Le code pénal, qui date de 1897 et a été réformé à de rares occasions, criminalise l’avortement provoqué et, selon l’article 430, pénalise les femmes de peines de prison allant de 6 mois à 2 ans.
Malgré cette criminalisation, de nombreuses femmes au Venezuela interrompent leur grossesse en secret.
Une enquête a été menée par la Línea Aborto, Información Segura, un programme développé depuis 2011 par le groupe féministe Faldas-R, afin de « guider et accompagner, via le téléphone et les médias numériques, les femmes qui réalisent cette pratique ».
Rien qu’en 2019, cette ligne, a reçu 1142 appels demandant un accompagnement dans le processus d’interruption de grossesse, ce qui signifie que cette année-là, environ trois femmes par jour ont avorté au Venezuela.
Chaque appelante a été interrogée, d’où il ressort un caractère de classe marqué : la majorité de celles qui ont recours à l’avortements sont des femmes pauvres ou ayant des ressources économiques limitées.
Parmi les femmes interrogées, 42 % disent travailler, 11 % travaillent et étudient, 27 % étudient seulement, 9 % se disent « femmes au foyer » et 3 % s’identifient comme étant au chômage.
Plus de la moitié des appelantes n’ont pas de revenus ou se situent bien en dessous du minimum vital : 8 % sont à la charge d’une autre personne, 16 % n’ont pas de revenus, 25 % ne perçoivent qu’un seul salaire minimum, 21 % perçoivent l’équivalent de deux salaires minimums et seulement 12 % perçoivent des allocations qui dépassent la somme de quatre salaires minimums.
En outre, 46 % ont déclaré avoir fait appel au service de la Linea en raison de leur situation financière, 29 % simplement parce qu’elles ne voulaient pas tomber enceintes, 7 % pour poursuivre et terminer leurs études et 6 % parce qu’elles avaient une mauvaise relation. Seules 4 % ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles.
D’autre part, l’enquête réfute l’argument contre l’avortement qui désigne celles qui y ont recours comme des femmes anti-famille. Quarante-quatre pour cent des femmes qui ont été accompagnées dans ce processus ont déclaré avoir entre un et quatre enfants.
Un autre fait rendu visible est que la criminalisation entraîne une désinformation : 23% des femmes n’avaient pas réussi à utiliser des traitements abortifs avant de contacter la Linea. Elles avaient obtenu des informations à partir de pages web ou par l’intermédiaire de vendeurs de médicaments sur le marché spéculatif.
Non accompagnées, les femmes qui décident d’interrompre leur grossesse sont laissées à la merci de procédures le plus souvent peu sûres et inefficaces.
Le pourcentage le plus élevé d’appels provient des villes à forte concentration de population. Cela signifie qu’il s’agit de femmes ayant accès aux technologies de communication et plus susceptibles d’avoir reçu des informations sur la Linea que les femmes qui vivent dans des villages et des zones rurales.
En l’absence de chiffres officiels, ce qui ressort de plus marquant de cette étude portant sur 1 142 femmes, c’est que, bien que l’avortement soit interdit, il existe et est clandestin au Venezuela, en dépit des droits sexuels et reproductifs des femmes, inscrits dans la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela.
Texte et photos : Rigger Triviño Iannuzzi