La fin annoncée de Juan Guaidó

L’Union européenne ne reconnaît plus Guaidó comme président « intérimaire » du Venezuela

Tant sur le plan national qu’international, dimensions souvent indissociables dans le conflit actuel, le Venezuela connaît une modification de l’échiquier politique. Cette reconfiguration n’est pas nouvelle et elle apparaît parfois de manière évidente, comme en ces temps où la nouvelle Assemblée nationale est déjà en fonction et où Juan Guaidó semble être, si elles ne sont déjà épuisées, face à ses dernières réserves. Un signe de cette situation est venu de la décision de l’Union européenne de ne plus le reconnaître comme « président intérimaire ». Cette position a été exprimée avec diplomatie et détermination : Guaidó éant qualifié de « représentant de l’Assemblée sortante ». En affirmant que l’Assemblée présidée par Guaidó n’est plus en vigueur, comme le prétend un secteur de l’opposition, l’Union européenne exclut la continuité de la « présidence intérimaire ».

Cette modification avait déjà été planifiée. Les positions dures contre le gouvernement de Nicolás Maduro, comme celles de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la France, ont changé face au nouveau scénario. Mais une question me vient à l’esprit : s’agissait-il d’un réaccommodement seulement européen ou d’une position convenue avec la nouvelle administration aux États-Unis ? Le changement de direction se fait à plusieurs niveaux à la fois. Les États-Unis maintiendront certainement la reconnaissance de Guaidó comme « président intérimaire » dans ce qui était un accord entre Républicains et Démocrates depuis le début. Mais, simultanément à la ratification de cette position, y aura-t-il très certainement une modification de la tactique, de la manière d’aborder le dossier du Venezuela qui, de toute évidence, n’a pas donné les résultats escomptés par Washington.

D’autres gouvernements maintiendront, aux côtés des États-Unis, la reconnaissance de la « présidence intérimaire », comme ceux situés dans l’arc le plus à droite de l’Amérique latine : la Colombie, le Brésil et le Chili, et les alliés des États-Unis en matière de politique étrangère, comme le Canada, le Royaume-Uni et le Japon. Mais la décision sur la manière de procéder pour obtenir un changement de gouvernement au Venezuela ne sera pas une décision de ces gouvernements mais bien, comme c’est le cas depuis le début, exclusivement des États-Unis.

Guaidó se trouve exclus du centre politique, trop affaibli pour remplir les objectifs politiques pour desquels il a été « construit ». Tous les acteurs le savent, quelque soit le discours qu’ils tiennent en public. C’est la raison des repositionnements internationaux et des nombreuses fractures successives au sein de l’opposition vénézuélienne, où chaque leader, parti — ou fragment de parti — cherche à se positionner face au scénario ouvert et en construction. C’est probablement la fin de la stratégie d’une institutionnalité parallèle représentée par Guaidó. Le gouvernement vénézuélien a réussi à le désamorcer en deux ans, avec un coût général pour l’économie qui a dû faire face à un blocus renforcé, pour la population, en particulier les secteurs populaires et les classes moyennes, et sur la politique, qui a été forcée de rester en permanence sur la défensive.

À quoi ressemblera la nouvelle étape ? Pour l’instant quelques contours se dessinent. Le discours de la nouvelle Assemblée, à majorité chaviste, souligne à la fois l’importance du dialogue et de la réconciliation et la nécessité qu’il n’y ait pas d’impunité. Iris Varela, vice-présidente du pouvoir législatif, a déclaré lors de la session du jeudi 7 janvier que « nous avons convenu de créer une commission spéciale qui enquêtera sur les actions perpétrées contre la République par certains membres de l’Assemblée au cours de la période 2016-2021 (…) dans un mois il doit y avoir des résultats et un mandat sera donné à la justice pour qu’elle puisse agir de manière énergique.

Le message visait directement Guaidó qui, depuis le 5 janvier a perdu son immunité parlementaire. Celui qui s’est auto-proclamé président le 23 janvier 2019, alors inconnu du pays, sait maintenant que sa fin politique n’est qu’une question de temps. Son capital politique s’est dissous jusqu’à se réduire à Twitter, ou être arrêté par les tribunaux. De quoi cela dépendra-t-il ? Des temps politiques, des dialogues possibles et des négociations internationales où le chavisme a une position de force politique, mais de faiblesse économique.

Le pari du gouvernement pour la nouvelle étape est centré sur la tentative de faire entrer des capitaux privés, nationaux et étrangers, dans différents secteurs clés de l’économie. C’est ce qui a officiellement commencé avec la loi anti-blocage votée en octobre à l’Assemblée Nationale Constituante, qui stipule, entre autres, que ce processus d’entrée de capitaux se fera de manière discrète pour éviter la persécution du blocus. Jusqu’à présent, aucun compte n’a été rendu sur ce sujet.

Les résultats de cette orientation, qui a commencé avant la loi, ne peuvent pas encore être mesurés. Selon son efficacité, c’est-à-dire selon qu’il permet ou non une amélioration des recettes des caisses de l’État, des services publics, des entreprises stratégiques comme PDVSA, le gouvernement aura plus ou moins d’urgence à négocier un assouplissement du blocus dans le cadre d’un éventuel dialogue et d’un accord avec les États-Unis. Le pari du gouvernement est aussi que cette loi elle-même et les opportunités d’investissement qu’elle offre, serviront de moteur pour favoriser la conclusion d’accords.

Pour l’instant, il s’agit de débats, d’analyses et tout se passe en coulisses, sans impacts sur une vie quotidienne qui se métamorphose depuis des années, avec des salaires et des pensions allant de deux dollars par mois pour les employés de l’État à environ 50 ou 100 dollars dans les entreprises privées, avec des difficultés d’approvisionnement en eau, gaz, électricité et en essence, et une monnaie nationale qui recule devant l’avancée du dollar. C’est ce quotidien que partage la majorité au Venezuela.

Marco Teruggi

Source : Pagina12

Traduction : Venesol