Je n’ai pas personnellement connu Argelia Laya (1926-1997), mais j’ai rencontré beaucoup de femmes qui, lorsqu’on leur demande comment elles en sont venues au féminisme, commencent par dire : « …je connaissais Argelia Laya » ou « j’étais avec Argelia Laya en… ». Ainsi, retrouve-t-on Argelia Laya dans la généalogie du mouvement féministe vénézuélien autant que dans celle de plusieurs générations de féministes.

Ses paroles « Je ne me suis jamais laissée humilier parce que femme, noire ou pauvre » ont donné le ton au féminisme populaire vénézuélien.
Cette phrase traduit dans le langage marron ce que les universitaires appellent aujourd’hui l’intersectionalité et qui est, à mon avis, l’âme de l’afro-féminisme vénézuélien, incarné par des femmes comme Eumelia Hernández, Nora Castañeda et Argelia Laya, pour ne citer que quelques-unes des femmes qui ont affronté la vie en tant que noire et de travailleuse. La lutte relève de l’identité de classe, de genre et d’ethnicité, parce que nos corps résistent simultanément au capitalisme, au patriarcat et au racisme, et nous savons qu’il ne suffit pas d’affronter un seul visage du monstre, il faut en finir avec lui, sous toutes ses formes.
Dans le livre « Notre cause », Argelia nous invite à « continuer à construire des sociétés basées sur le bonheur total des gens, ici, sur notre propre terre ». Une phrase écrite il y a plus de 30 ans et toujours d’actualité, en particulier pour les personnes d’origine africaine qui siègent aujourd’hui à l’Assemblée nationale.
Dans son dernier texte, publié en 1997, Argelia écrit : « En tant que combattante sociale pour la véritable démocratie, la justice, la paix, la cause des femmes et tous les droits humains, nageant toujours à contre-courant, j’ai pu avancer aux côtés de femmes et d’hommes avec lesquels j’ai partagé joie et travail ».
Argelia nous a laissé un héritage de lutte mais aussi un programme, dont je vous présente quelques points :
• Consolider dans le cadre législatif la participation politique assurant la parité et l’alternance entre femmes et hommes.
• Reconnaître par des actions matérielles la valeur des tâches liées aux soins de la vie et les mettre au centre des politiques publiques et de l’agenda législatif.
• Reconnaître dans nos codes et nos lois les accords internationaux signés sur les droits sexuels et reproductifs, y compris le droit des femmes à décider de leur corps et de leur grossesse ; en d’autres termes, conquérir la dépénalisation de l’avortement.
• Assumer radicalement la critique et le contrôle social des médias et leur rôle dans la réification des femmes et la reproduction du machisme et du racisme, surtout dans les médias sous la responsabilité de l’État.
• Défendre nos institutions et notre révolution contre le conservatisme religieux et reconnaître la laïcité de notre État comme seule garante de politiques publiques exemptes de préjugés religieux et justes pour toutes et tous.
« Consensus, vivre-ensemble mais pas de coexistence avec tout ce qui doit être éradiqué ».
Argelia presente !

Alejandra Laprea
Source : la araña feminista
Traduction : Venesol