Préparation d’une fraude électorale en Equateur ?

Une tentative de fraude serait en cours pour les élections de ce dimanche 11 avril en Equateur. Les principaux acteurs, les moyens d’exécution et le financement sont déjà à un stade avancé. C’est ce que révèle une source proche de la direction du Conseil National Electoral (CNE) lors d’une rencontre dans le sud de Quito. Son objectif, en s’exprimant, est que l’élection présidentielle soit transparente et d’empêcher une manœuvre préparée par Guillermo Lasso, candidat à la présidence pour le parti CREO et Jaime Nebot, dirigeant du Parti Social Chrétien, les deux hommes clés, alliés pour ces élections.

Le Conseil National Electoral serait l’axe d’un plan destiné à commettre une fraude.
Photo: Telam

Les acteurs

Selon la source anonyme, l’architecture du dispositif de cette tentative de fraude comprend quatre niveaux au CNE : la direction, les correspondants, les secteurs intermédiaires et les délégations provinciales.

Le premier niveau, c’est à dire la direction, serait sous le commandement des deux hommes forts de la droite équatorienne qui ont désigné trois des cinq conseillers. Lasso a placé Enrique Pita à la vice-présidence, Nebot, José Cabrera. En ce qui concerne la présidente, Diana Atamaint, « elle est arrivée là avec l’appui des organisations sociales et en prenant son poste de conseillère, elle a conclu un pacte qui s’est scellé chez Nebot, sur l’île Mocolí, pour qu’elle soit présidente du CNE et lui fait depuis lors allégeance » explique la source qui, pour des raisons de sécurité, demande à rester anonyme.

Le second niveau, ce sont les contacts entre les conseillers de Lasso et Nebot. Ce sont deux hommes importants, extérieurs à la structure du CNE : César Monge, président de CREO, et Pascual del Cioppo, membre de la direction du PSC. « C’est avec eux que se réunissent les conseillers ou les assesseurs qui sont en dessous d’eux et à qui ils font passer les directives » selon un organigramme mentionnant chaque pion et son rôle.

Troisièmement, chacun des conseillers a des interlocuteurs qui jouent un rôle central dans cette manœuvre. C’est la cas d’Andrea Cárdenas et Christian Solis, qui travaillent pour Pita, Francisco Yépez et Valeria Grande, sous les ordres d’Atamaint, de Gabriela Zurita et de Fidel Ycaza, qui sont sous le commandement de Cabrera. L’une de leurs tâches consiste à « exécuter diverses actions dans les provinces comme changer les directeurs, le personnel technique, suggérer des noms de fonctionnaires, mettre des gens de Lasso aux endroits clefs pour la fraude. »

Dans la zone intermédiaire, un rang au-dessous, se trouve la commission technique des processus électoraux et des technologies de l’information qui joue un rôle déterminant. Là se trouvent des personnes importantes comme Lucy Pomboza, également directrice nationale des processus électoraux, Stalin Cardona et Esteban Montero. « Tous les directeurs nationaux et provinciaux sont tenus d’informer et de se conformer aux directives données par la commission » explique la source, alertée par l’imminence d’une fraude structurée et invisible qui donnerait la victoire à Lasso.

Les moyens

Cet ensemble d’acteurs politiques, de direction, de conseillers et de zones intermédiaires réaliserait la préparation du plan de fraude qui doit se dérouler selon deux axes : les bureaux de vote et les centres de numérisation. Dans le premier cas, le jour du vote et dans le second cas, au moment du décompte des voix.

La fraude dans les bureaux de vote peut être réalisée sur la base d’un fait capital : la détention par le CNE d’environ 600 000 bulletins de vote non déclarés, obtenus avant le premier tour. Cette manœuvre s’est produite lors d’une erreur dans l’impression de plus de 6 000 000 de bulletins qui a obligé à racheter du papier sécurisé, contrôlé et acheté au Canada. À ce moment-là, il y a eu un surplus qui n’a pas été contrôlé. Cela signifie qu’ils « peuvent injecter des bulletins de vote originaux sur papier sécurisé en faveur de Lasso dans différentes provinces ».

Le mécanisme serait le suivant : ceux qui sont en charge de la conception de la fraude sélectionnent les bureaux auxquels envoyer les 600 000 bulletins de vote excédentaires, des bureaux qui doivent avoir certaines caractéristiques. L’une d’entre elles est leur situation : « C’est surtout dans les zones rurales en raison de l’absence de contrôle adéquat et dans les bureaux les plus grands des zones urbaines où les organisations politiques n’ont pratiquement jamais la possibilité d’être toutes présentes avec un contrôleur dans chaque bureau. » L’autre caractéristique est que dans chacun des bureaux sélectionnés, il doit y avoir un coordinateur qui participe à la fraude.

L’objectif est de « surcharger » les bureaux de vote avec les bulletins excédentaires et non déclarés en faveur de Lasso. Cet ajout de voix se traduirait par un nombre plus grand de votes que d’électeurs. Face à cette situation, les responsables de bureaux pourraient choisir soit de reconnaître le nombre total de bulletins au lieu du nombre de votants ou d’annuler l’excédent de votes par rapport au nombre d’électeurs. Dans ce cas, les responsables préparés dans le cadre de l’opération enlèveraient ces voix à Andrés Arauz, le gratifiant de moins de votes que ceux obtenus et Lasso aurait les voix ajoutées dans le cadre de la fraude.

La seconde façon de falsifier les résultats serait exécutée au cours du décompte des procès-verbaux. « L’ordre, au CNE, est d’abord que Lasso gagne. Deuxièmement, que si le pourcentage de voix montre une égalité technique en faveur de Lasso, le CNE publiera les résultats immédiatement et si l’égalité technique est en faveur d’Arauz, les résultats ne seront pas publiés et il y aura un nouveau décompte et là, les résultats seront changés ».

Le mécanisme de fraude se déroulerait, dans ce cas, « dans les délégations provinciales avec des gens et des chefs placés par Lasso et Nebot au cours des dernières semaines » à la direction et dans les zones intermédiaires du CNE. C’est là qu’arrivent les procès-verbaux qui devront être scannés pour être comptabilisés par le système informatique pour autant qu’il n’y ait pas d’irrégularité. Celles-ci pourront être de trois sortes : incohérence numérique, c’est à dire que le scanner ne reconnaît pas les données portées sur le procès-verbal ou que le procès-verbal soit illisible, qu’il y ait un problème dans la signature ou une incohérence entre le procès-verbal que possède le parti politique et celui dont dispose le CNE.

« Nous avons découvert un système qui consiste à mal poser la feuille pour que le scanner ne reconnaisse pas les points visuels, le procès-verbal part au recomptage, manuellement, et on gonfle le nombre de voix ». Le changement manuel pourrait survenir de plusieurs façons : en falsifiant le procès-verbal lui-même qui n’aurait pas de papier sécurisé ou en lui substituant un autre procès-verbal déjà pré-imprimé qui ensuite serait scanné et compté. Un procès-verbal comprend en moyenne 280 voix, 350 au plus, ce qui signifie que modifier 1 000 procès-verbaux représenterait une falsification d’environ 280 000 voix. Cette manœuvre doit également avoir des acteurs dans la partie informatique comme Laura Molina, chargée de « crypter les rapports des feuilles de pointage illisibles ».

« Ils peuvent modifier 1 300 000 1 500 000 voix » en combinant différents mécanismes de fraude. Le corps électoral, en Equateur, est de 13 099 150 votants sur lesquels 10 616 263 ont voté au premier tour, le 7 février.

Celui qui dénonce ce dispositif affirme que les pions sont déjà prêts à agir et que l’exécution de ce plan serait une fraude destinée à empêcher la victoire d’Arauz. Les menaces du pouvoir électoral contre le candidat de la Révolution citoyenne ne sont pas nouvelles. Elles ont commencé dès le départ dans le cadre d’une stratégie politique et institutionnelle destinée à empêcher la participation, la victoire et le retour du corréisme au palais présidentiel de Carondelet. Ce plan de fraude électorale serait la dernière carte pour empêcher la victoire de celui qui est en tête de la majorité des sondages.

Marco Teruggi

Source : Pagina12

Traduction : Venesol & Françoise Lopez pour Bolivar Infos