Opposition désarmée en Bolivie

Après l’arrestation de l’ancien ministre Arturo Murillo, l’opposition au gouvernement du MAS est à court d’arguments pour nier l’existence d’un coup d’État en novembre 2019.

Arturo Murillo

L’arrestation et l’ouverture d’une procédure pénale pour corruption et blanchiment d’argent de l’ex-ministre de l’Intérieur et homme fort du gouvernement de facto de Bolivie (2019-2020) Arturo Murillo et de ses complices à Miami, où ils cherchaient refuge, a laissé toute l’opposition politique, médiatique et sociale au Mouvement vers le socialisme (MAS) et au gouvernement de Luis Arce et David Choquehuanca totalement désemparée. Sans capacité et sans arguments pour maintenir le discours selon lequel il n’y a pas eu de coup d’État en Bolivie en novembre 2019, et que ce qui aurait été mis en place alors était un gouvernement constitutionnel.

Murillo, avec l’ancien ministre de la Défense, Fernando López, a effectué des achats frauduleux de matériel de répression avec la caution de plusieurs décrets suprêmes, obtenant des bénéfices illégaux de plus de deux millions de dollars « blanchis » dans des banques nord-américaines ; ce fait de corruption s’ajoute à d’autres tels que l’achat de respirateurs chinois et espagnols (inutiles pour faire face aux cas de Covid), de matériel sanitaire, ainsi que des négociations dans des entreprises de télécommunications, d’hydrocarbures et autres.

Par voie de décrets, ce gouvernement a également autorisé et exécuté les massacres de Senkata, Pedregal et Sacaba, conséquence du coup d’État, où près de trente personnes ont été tuées par des tirs militaires et policiers. C’est Murillo lui-même qui a mené la persécution et l’emprisonnement de centaines de dirigeants politiques et sociaux qui manifestaient contre lui.

La Communauté Citoyenne (CC) de Carlos Mesa et CREEMOS de Fernando Camacho ont essayé par tous les moyens de nier leur implication directe dans le gouvernement de facto de Jeanine Añez, alors qu’ils faisaient partie de la conspiration, avec Jorge Quiroga, Samuel Doria, certains évêques catholiques, les ambassadeurs du Brésil et de l’Union européenne, et un fonctionnaire de l’ambassade des États-Unis. Ces personnes ont nommé et promu Añez, en toute illégalité, et se sont partagé le pouvoir au sein de ce régime infâme.

Récemment, les évêques de la Conférence épiscopale — et non l’Église catholique et ses diverses manifestations — ont tenté de justifier leur rôle déterminant dans la gestation et l’exécution du coup d’État par le biais d’un document officiel qui reconnaît que des réunions ont été organisées dans les bureaux de l’Université catholique avec les dirigeants politiques de l’opposition et les parlementaires du MAS pour trouver une issue à la situation de crise. Ce document ne fait cependant aucune référence aux rencontres avec Añez quelques heures après qu’elle se soit proclamée présidente, aux massacres de manifestants populaires à La Paz et Cochabamba, et à la campagne menée en faveur du gouvernement de facto.

De même, des médias de la presse écrite comme El Deber de Santa Cruz et Pagina Siete de La Paz, des chaînes de télévision comme UNITEL ou des stations de radio comme Panamericana, Fides et Erbol, tournent aujourd’hui le dos à Murillo alors que ce sont ces médias qui ont promu et couvert la rupture constitutionnelle et les actions les plus infâmes de répression et de persécution politique et sociale. Dans le cadre du coup d’État, des secteurs de la police nationale se sont mutinés et soulevés, tandis que le commandement des forces armées a exigé la démission du président Evo Morales.

Après avoir protesté contre l’arrestation de la présidente de facto Jeanine Añez et de deux de ses ministres, l’opposition a été réduite au silence, tandis que le bureau du procureur général a entamé une série de procédures et d’enquêtes à l’encontre des autorités du gouvernement de facto et que l’Assemblée législative plurinationale prépare un procès en responsabilité pour la solution de continuité de la démocratie en Bolivie et pour tous les actes de corruption et de mauvaise gestion pendant l’administration d’Añez.

Eduardo Paz Rada,
sociologue et professeur à l’UMSA (Universidad Mayor de San Andrés)

Source : Alainet Traduction : Venesol