Vers une « révision » du blocus contre le Venezuela ?

Les États-Unis, le Canada et l’Union européenne, principaux artisans du blocus contre le Venezuela, ont publié un communiqué conjoint dans lequel ils disent ouvrir les possibilités de « revoir » les mesures coercitives contre le pays, tout en affichant leur volonté de maintenir les pressions en échange de concessions de la part du Venezuela.

Blinken et Borrell (Foto: Virginia Mayo / AP Photo)

Un tel mouvement, qui à première vue montre aujourd’hui un accord de ces gouvernements sur une position de possible détente avec le Venezuela, est le résultat évident de la résistance, au départ inattendue, du gouvernement vénézuélien et de ses institutions, dont on prévoyait qu’ils s’effondreraient avec l’accélération des mesures prises par l’Administration Trump il y a plus de quatre ans.

Le délitement évident de l’agenda de déstabilisation au Venezuela, son inutilité dans les faits et l’effondrement du faux gouvernement de Juan Guaidó, ont provoqué un changement de position de la part des principaux acteurs du blocus.

Les possibilités d’assouplissement ont été révélées ce vendredi 25 juin par le secrétaire d’État américain Antony Blinken, le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’UE Josep Borrell et le ministre canadien des affaires étrangères Marc Garneau, dans un texte publié par le département d’État sur son site internet.

Ainsi peut-on lire dans le communiqué : « Nous nous félicitons des progrès substantiels et crédibles réalisés en vue de rétablir les processus et institutions démocratiques fondamentaux au Venezuela et nous sommes prêts à revoir les politiques de sanctions sur la base de progrès significatifs dans le cadre d’une négociation globale ».

Les apparentes concessions ne sont pas sans conditions. Ainsi, ces gouvernements font valoir qu’il est important que tous les secteurs intéressés par une solution pacifique à la situation vénézuélienne puissent s’engager dans « un processus de négociation global, assorti d’un calendrier », qui « devrait rétablir les institutions du pays et permettre à tous les Vénézuéliens de s’exprimer politiquement par le biais d’élections locales, parlementaires et présidentielles crédibles, inclusives et transparentes ».

Fondamentalement, la déclaration s’inscrit dans le cadre de la proposition formulée par Juan Guaidó dans le cadre du soi-disant « Accord de salut national », celle de lever les pressions en vue de nouvelles élections, y compris, une nouvelle fois, les élections parlementaires et présidentielles, toutes deux clairement hors délai et hors des limites constitutionnelles.

Les pressions fluctuantes et leur dérive erratique

Les États-Unis, le Canada et l’UE ont souligné dans leur communiqué qu’ils se félicitent d’un « accord plus large » entre les différents acteurs politiques au Venezuela « pour permettre un accès sans restriction à l’aide humanitaire », telle que nourriture, médicaments et les équipements permettant de faire face à la pandémie.

Sur ce point, le communiqué s’inscrit à nouveau dans la logique de l’ « Accord de salut national », en précisant son articulation. Ce point est plus que remarquable, dans la mesure où le Venezuela a récemment sensibilisé la communauté internationale à l’impact du blocus contre le pays sur les opérations d’achat de vaccins dans le cadre de l’initiative COVAX des Nations unies. La proposition est claire : davantage de concessions de la part du Venezuela en échange d’un allègement des difficultés créées par le blocus lui-même.

Cependant, la dérive du blocus n’est pas sans contradictions. Récemment Jim McGovern, membre du Congrès américain, s’est adressé à Joe Biden dans un communiqué public en considérant que le moment était venu de « corriger » les mesures coercitives unilatérales contre le Venezuela, se référant aux dommages qu’elles causent à la population.

Dans le même temps, le Vénézuélien Leopoldo López, fugitif de la justice, s’est également rendu récemment à Washington où il a rencontré le sénateur républicain Rick Scott, qui a lancé des appels véhéments à Biden pour qu’il « n’assouplisse pas » le blocus contre le Venezuela. À cette occasion, Lopez a contredit McGovern et plusieurs experts conduits par les rapporteurs de l’ONU au Venezuela sur les impacts du blocus.

López a ainsi affirmé : « Il n’est pas vrai que la tragédie que vit le Venezuela est un produit des sanctions, c’est le récit de la dictature ». Cependant, se contredisant lui-même, il a déclaré que les « sanctions » étaient « une opportunité » pour « pouvoir parvenir à une solution à la crise », décrivant le blocus comme une arme de pression ayant de réels effets.

López a préconisé le maintien des mesures, se faisant l’interprète des stratégies ratées du « tout ou rien » qui ont marqué la stratégie de Trump contre le Venezuela.

Les pressions sont multiples autour de l’administration Biden. Le président actuel a hérité d’un agenda inefficace qui a vu l’affaiblissement du consensus autour du blocus et aussi autour de la figure surfaite de Guaidó.

À ce stade, les pressions exercées sur le pays sont soutenues par le positionnement changeant des responsables du blocus et les contradictions mêmes de ses promoteurs et de leurs lobbies internes.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment annulé un arrêt du Tribunal qui refusait au Venezuela le droit de contester légalement les mesures restrictives prises à son encontre, et lui a renvoyé l’affaire pour réexamen.

La CJUE a relevé que « le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les mesures restrictives en cause n’avaient pas d’effet direct sur la situation juridique du Venezuela ». Les mesures de blocage adoptées « ont empêché le Venezuela de se procurer de nombreux biens et services. La CJUE en conclut que ces dispositions ont des effets directs sur la situation juridique de cet État », indique l’arrêt de la Cour.

Le Venezuela et son front interne

Le Chavisme a déclaré avoir tendu la main à divers secteurs de l’opposition, auparavant opposés au dialogue politique et réticents à participer aux élections. Toutefois, dans une récente interview accordée à Bloomberg, le président Nicolás Maduro a déclaré que les démarches directes auprès de l’administration de Joe Biden sont restées sans suite.

Tout semble indiquer que c’est précisément à Washington que se situent les nœuds critiques de tout dialogue, étant entendu que la faction anti-Chávez représentée par Guaidó et ses opérateurs sont, en fait, incapables de négocier ou d’agir de manière autonome, puisqu’ils fonctionnent comme une extension du gouvernement américain.

Lors d’une récente réunion entre le ministre des affaires étrangères Jorge Arreaza et le diplomate européen Josep Borrell, l’UE a été invitée à accompagner et à observer les prochaines méga-élections régionales et municipales qui seront organisées dans le pays. Cependant, cette invitation a un triste précédent quand l’UE a décidé de ne pas accompagner ou valider les élections vénézuéliennes au parlement en 2020, suite aux pressions de Washington à l’époque pour ne pas créer de précédents favorables pour avaliser le bon fonctionnement des institutions vénézuéliennes.

Il n’y a toujours pas d’indications claires et publiques sur les négociations qui pourraient se dérouler en coulisses, tant entre les chavistes et les opposants qu’entre Caracas et Washington.

Pour les responsables concernés, il est crucial, maintenant, qu’il n’y ait pas de perte de vitesse dans le cadre des possibilités et de la détente qui s’ouvrent.

Dans le cadre d’éventuelles négociations, Leopoldo López, dans sa position de lobbyiste à l’étranger, apparaît comme un élément perturbateur évident, tandis qu’un Guaidó de plus en plus solitaire sur la scène intérieure perd à son tour de sa pertinence, à mesure que sa position affaiblie d’interlocuteur américain télécommandé perd de son emprise.

Évidemment, les risques de rupture sont élevés, dans la mesure où Washington reste inébranlable, surtout en matière électorale, sans avoir une position claire de démantèlement ou de non-application de facto des mesures d’asphyxie financière, économique et commerciale contre le Venezuela, qui est un des principes, une des conditions inébranlables du chavisme.
En plus d’être une revendication nationale.

Source : Mision Verdad     Traduction : Venesol