Camila Vallejo (PC) : « Nous devons impulser les changements depuis le gouvernement et la rue ».

La députée, qui apparaît comme une valeur sûre pour le cabinet de Gabriel Boric, affirme que le succès du futur gouvernement dépend de ses liens avec le mouvement social. « Si le processus de changement n’est pas bien implanté, ce que nous construisons peut être instable et très facile à renverser ».
Elle ne souhaitait pas se représenter à la réélection en tant que députée du 12e district. Après avoir effectué deux mandats, Camila Vallejo avait prévu de passer au second plan. La victoire de Gabriel Boric à l’élection présidentielle a toutefois remis en question ses projets.
« Nous sommes prêts à continuer à travailler dur pour la réussite du programme. Bien que j’aie voulu passer au second plan au cours de cette période, je ne sais pas si cela va être possible », admet-elle.
La parlementaire aborde ici les défis de la nouvelle administration et le rôle que le parti communiste jouera dans le futur gouvernement.

Camila Vallejo. Photo : Andrés Pérez

Quel est le défi pour cette nouvelle génération ?

Le vote de Gabriel et le fort taux de participation montrent que les revendications sociales des dernières décennies ont gagné. Le principal défi pour le gouvernement est de représenter ces attentes et la possibilité de les réaliser de manière responsable, mais aussi en donnant la certitude que nous obtiendrons des avancées significatives en matière de droits sociaux. Les jeunes réclament également une nouvelle façon de faire de la politique et un gouvernement féministe.

Qu’avez-vous déterminé pour ces nouvelles logiques ?

Le pouvoir doit être redéfini. C’est un point que nous avons essayé de mettre en pratique pendant la campagne et que Gabriel a pris en charge depuis qu’il a été élu président.

Et comment est-elle redéfinie ?

Ce n’est pas seulement une question de génération, car il s’agit d’une tâche intergénérationnelle. Mais l’une des tâches principales est qu’il n’y a pas de gouvernance sans une structure de gouvernance qui facilite la participation des citoyens.

Vous avez écarté ceux qui ont gouverné depuis le retour de la démocratie. Quels accents différents voulez-vous apporter ?

La période de transition a laissé de nombreuses lacunes et dettes en ce qui concerne les organisations sociales, syndicales, féminines et étudiantes. Nous voulons récupérer ces liens, car nous comprenons que nous ne pouvons pas le faire seuls. Les chances de succès de ce gouvernement dépendent beaucoup de ce que nous faisons du mouvement social.

La modération au cours du second tour a-t-elle été un facteur significatif ?

Je ne pense pas qu’il y ait un tel changement. Gabriel a toujours été une personne réfléchie, une personne qui engage le dialogue et met son leadership à disposition pour parvenir à des accords. La campagne a montré une autre façon de faire de la politique, qui n’a rien à voir avec un déplacement vers le centre ou vers l’ancienne Concertación, mais plutôt avec le fait de sortir de la bulle et de rassembler le plus grand nombre de personnes.

Une formule ouvrant le cabinet à d’autres forces a été proposée, mais pas à la coalition. Le président a discuté avec le PS de la possibilité de rejoindre son gouvernement. Quelle est votre position ?

Nous comprenons l’importance de maintenir notre axe d’articulation, la coalition de l’AD (Alliance Démocratique), mais aussi que nous devons élargir les cercles concentriques vers ceux qui ont une disposition honnête à contribuer aux changements qui doivent être poussés depuis le gouvernement et la rue. C’est au président élu de faire cette définition. Nous ne pouvons pas nous fermer, mais cet élargissement est fonction d’un programme gouvernemental, sinon nous nous rendrions un mauvais service.

Le PC est le plus grand parti de l’AD. Quel rôle espérez-vous jouer ?

Nous sommes le plus grand parti de la coalition, mais nous n’allons pas peser plus ou moins que nous le faisons. Le fait que notre groupe parlementaire est important, que nous allons faire partie du gouvernement est une opportunité pour la coalition, pour le travail que nous avons devant nous.

Ne vous attendez-vous pas à jouer un rôle plus important que dans le gouvernement Bachelet ?

Nous ne sommes pas ici pour faire des demandes ou quoi que ce soit de ce genre, nous respectons les décisions du président, et où que nous soyons au niveau ministériel, nous serons des collaborateurs et apporterons une contribution importante.

Avec Bachelet, vous avez dit que vous seriez à La Moneda et dans les rues. Ce modèle sera-t-il répété ?

Les pieds dans la rue sont les racines de l’arbre. Si le processus de changement n’est pas bien ancré, ce que nous construisons peut être instable et très facile à inverser. Cela ne peut pas être dicté depuis le premier étage, depuis La Moneda, mais nous avons besoin du cabinet sur le terrain et en contact direct avec les gens, à qui nous le devons. Sinon, nous continuerons à perpétuer la construction élitiste du pouvoir.

Dans l’AD, on répète que le PC est le seul parti qui a une place garantie dans le comité politique…

Je n’avais pas entendu ça (rires).

Et vous attendez-vous à ce que ce soit le cas ?

Gabriel va l’annoncer. Ici, rien n’est garanti à personne, tout dépend de ce que le président élu considère comme le plus approprié.

Aimeriez-vous faire partie du comité politique ?

Je ne vais pas répondre à cette question. En tant que parti, nous sommes prêts à continuer à travailler dur pour le succès du programme. Bien que j’aie voulu passer en deuxième ligne au cours de cette période, je ne sais pas si cela sera possible.

Vous avez dit que le ministère de la condition féminine pourrait passer au comité politique, une position pour laquelle on parle également de vous. Est-ce une décisiion ?

C’est une décision qui appartient au président élu.

En avez-vous parlé avec lui ?

J’ai discuté d’autres choses avec lui. Mais il est communément admis que non seulement ce ministère doit être plus pertinent, tout comme l’intégration de la perspective de genre dans tout le gouvernement.

Comment espérez-vous gérer les attentes des gens ?

Il est essentiel d’impliquer les citoyens dans le processus, de les faire participer, car ils en savent plus qu’on ne le croit parfois. Le Congrès est évidemment un espace de négociation, mais c’est aussi un Congrès qui se constitue après la révolte et la Convention, et qui s’inscrit dans un nouveau scénario où le Chili se positionne comme un exemple de démocratie, de participation et de volonté de changement. Je crois que nous allons y arriver, nous avons surmonté de nombreuses difficultés au cours des dix dernières années.

Isabel Caro et Felipe Cáceres

Source : La Tercera     Traduction : Venesol