En attaquant le bolivar, et suite aux politiques économiques monétaristes qui ont augmenté les effets de cette arme, l’impérialisme s’est payé le luxe de faire pression et de s’imposer dans les négociations.

Le ralentissement de la dépréciation du bolivar est à l’origine de la fin de l’hyperinflation au Venezuela. Même les économistes de droite et/ou les monétaristes le reconnaissent. À présent, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : pourquoi la dépréciation du bolivar a-t-elle ralenti ? La réponse n’est pas économique, elle est politique. La demande et l’offre de devises étrangères sur le « marché » des changes n’ont rien à voir, et n’ont jamais eu rien à voir, avec les variations du taux de change au Venezuela depuis au moins 9 ans. Par conséquent, le fait que la BCV injecte et injecte des dollars sur le marché des changes pour soi-disant « stabiliser » le taux de change n’a pas eu, ni n’a aucun effet, la seule chose qu’elle obtient avec cette politique est que les devises étrangères de tous les Vénézuéliens sont drainées hors du pays.
Il est plus que prouvé que le taux de change au Venezuela a été manipulé selon des critères politiques à travers des publications quotidiennes sur les réseaux sociaux. Les étasuniens eux-mêmes l’ont avoué, plus précisément le sénateur républicain Richard Black qui a déclaré en 2019 qu’ils étaient à l’origine de ce qu’il a appelé la « démonétisation du bolivar ». Certains économistes, de droite et aussi de « gauche » ne reconnaissent pas ce fait, mais ils n’ont pas non plus démontré par des calculs sérieux que la dépréciation de 5 milliards de pour cent du bolivar depuis 2013 est due, comme ils le prétendent, à la demande et à l’offre de devises sur le marché des changes. En effet, et selon la théorie monétariste à laquelle ils font appel, si tel était le cas, la valeur du bolivar aujourd’hui devrait être, selon le taux de change implicite, de 0,36 BsD/US$ et non de 4,76 BsD/US$, ce qui revient à dire qu’il faudrait 13 fois la quantité de bolivars en circulation dans l’économie pour que le taux de change soit de 4,76 BsD/US$.
Ces collègues devraient se demander pourquoi, malgré le fait que la BCV ait décidé de libéraliser le marché des changes en 2017, les portails web qui marquent le taux de change parallèle et fictif n’ont pas disparu ? On part du principe que, si le marché fixe librement la valeur du bolivar, rien ne justifie un marché parallèle. La réponse est simple, le taux de change parallèle est une arme de la guerre économique.
Puisque le ralentissement de la dépréciation du bolivar ne répond pas à des critères économiques mais politiques, nous devons nous poser la question suivante : pourquoi les étasuniens ont-ils réduit l’intensité de l’attaque contre le bolivar ? En 2018, la dépréciation induite était de 65.494 %, en 2019 elle était de 7.385 %, en 2020 elle est tombée à 3.373 % et en 2021 elle était de 150 %. Ce n’est évidemment pas parce qu’ils ont eu pitié du peuple vénézuélien, celui qui penserait cela après 9 ans de siège criminel, serait bien naïf…
L’attaque contre la monnaie agit de la manière suivante : elle détériore les conditions de vie de peuples entiers, principalement la classe ouvrière, à la fois en pulvérisant les salaires réels et en réduisant les dépenses publiques, deux conséquences de l’hyperinflation, et en dollarisant en même temps l’économie. Une fois cette situation créée, ils utilisent cette arme comme un mécanisme de pression et de chantage pour imposer leurs conditions dans le cadre de négociations pour la paix et la fin des guerres non conventionnelles. Le fait que l’impérialisme ait ralenti la dépréciation induite du bolivar tient au fait qu’il a de plus en plus atteint son objectif d’imposer son modèle économique de capitalisme sauvage et, par conséquent, de mettre fin à la révolution.
Le gel des salaires nominaux et donc des retraites au détriment de la classe ouvrière ; la libéralisation des prix de tous les biens et services de l’économie indéxés en passant au dollar ; l’augmentation des tarifs des services publics (électricité, eau, télécommunications) ; la dollarisation du prix de l’essence ; la réduction de la taille de l’État pour suivre une prétendue « discipline fiscale » et la démission des fonctionnaires au fur et à mesure que leurs revenus sont réduits à rien, laissant place à la privatisation de facto des services de santé et de l’éducation ; la libéralisation du marché des changes et la fourniture de devises étrangères à tous les Vénézuéliens par la BCV sur un marché des changes auquel seul le grand capital peut accéder ; la dollarisation de l’économie par la permissivité et l’officialisation du dollar dans les transactions commerciales et financières, y compris, par exemple, l’indexation des prêts bancaires sur le dollar et, récemment, les tarifs du système judiciaire ; l’exonération des taxes et des tarifs douaniers, sont quelques exemples des réalisations de l’impérialisme encadrées dans les accords de paix dans lesquels il a imposé ses conditions pour diminuer l’attaque contre le bolivar.
Des réalisations soutenues par des lois comme, par exemple, la loi anti-blocage qui légalise le secret dans l’administration du trésor (2019) ; la loi sur la promotion des investissements étrangers (2017) ; la loi approuvée en première discussion à l’Assemblée nationale pour la création de zones économiques spéciales qui accorde des avantages invraisemblables aux capitaux étrangers, notamment des salaires bas, l’exonération fiscale, l’exploitation et l’extraction de grands gisements, ainsi que la possibilité de régler les litiges devant des tribunaux étrangers ; l’abrogation de la loi sur les échanges illégaux qui permet à l’État de vendre nos devises sur le marché des changes. Tout cela en échange et comme condition pour réduire l’attaque sur le bolivar.
Nous reconnaissons les droits et la présence des capitaux privés, nationaux et étrangers. C’est prévu dans notre Constitution de 1999. Ce qui est inacceptable, c’est que cela se fait sauvagement, au détriment de la classe ouvrière. Il est inconcevable que nous, fonctionnaires, touchions un salaire mensuel de 7 BsD pour notre travail, soit l’équivalent de 1,5 US$, alors que le panier de base mensuel est de 384 US$. Nous parlons d’au moins 14 millions de travailleurs, dont 3,3 millions d’employés publics, auxquels il faut ajouter 5 millions de retraités qui perçoivent une pension mensuelle de 7 BsD et qui, malgré que nous ayons un système de primes compensatoires, ne totalisent même pas 10 US$ par mois. Il est intolérable qu’en « révolution » le salaire réel ait baissé de 99% depuis 2018 alors que les inégalités se creusent de plus en plus du fait des profits exorbitants de la bourgeoisie.
L’impérialisme, avec l’attaque contre le bolivar, couplée aux politiques économiques monétaristes qui ont renforcé les effets de cette arme (applaudies par Fedecámaras, Consecomercio et les économistes de droite, soit dit en passant) s’est payé le luxe de faire pression et de s’imposer dans les négociations. Pendant ce temps, les propositions de politique économique centrées sur la classe ouvrière ont été écartées, par exemple, l’indexation de l’économie afin de neutraliser les effets de l’attaque contre le bolivar et à diminuer ainsi le pouvoir impérial.
Au regard de tout cela, il convient aussi de se demander quelle garantie avons-nous qu’à tout moment, lorsque l’occasion se présentera, l’impérialisme ne rompra pas l’accord de ne pas attaquer le bolivar, quand on se souvient de la rupture de l’engagement d’inclure Alex Saab à la table de dialogue alors qu’il a au contraire fini par être enlevé pour être extradé aux États-Unis ?
S’il le fallait, il est bon de rappeler que « l’on ne peut pas faire confiance à l’impérialisme, pour rien au monde ».
Pasqualina Curcio Curcio
Source : America latina en movimiento Traduction : Venesol