Argentine : Accord sur la dette et droits humains

Des normes internationales qui ne peuvent être contournées prévalent sur l’endettement.
Nous sommes à la veille du débat législatif sur un éventuel accord pour payer la dette de l’Argentine envers le Fonds Monétaire International.

Penser n’importe quel type d’accord suscite un sentiment d’injustice indéniable. Il est impossible d’ignorer que l’une des plus grandes questions non résolues de la démocratie argentine est son incapacité à déterminer les responsabilités des auteurs du génocide, de leurs complices et de leurs bénéficiaires dans l’origine de la dette extérieure contractée pendant le terrorisme d’État.

Bien que la dette que nous avons aujourd’hui ait été gérée par une autorité d’origine démocratique, son illégalité est tout aussi manifeste que cette dette. Elle n’a pas été contractée pour améliorer nos infrastructures ou nos systèmes de santé et d’éducation, ni même pour remédier au véritable problème de la pénurie de dollars. Rien ne justifierait de ne pas avancer dans l’enquête sur les responsabilités de ceux qui ont décidé de la demande et ont reçu l’argent.

Cependant, la dette est exécutoire et le non-paiement peut conduire à une situation extrêmement critique.

Face à ce problème, et au-delà des multiples appréciations qui peuvent être faites d’un point de vue économico-financier, nous postulerons que dans cette question, comme dans toute politique publique, la perspective des droits humains ne peut être ignorée.

Nous commençons par ce qui n’est pas nouveau : historiquement, les accords de paiement de la dette extérieure ont impliqué des programmes d’ajustement et de restructuration économique (réduction des dépenses publiques, augmentation des tarifs des services publics, politique monétaire restrictive et dévaluation, etc.) qui ont eu des effets négatifs sur l’ensemble des droits humains, dont principalement les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits au développement et à l’autodétermination.

Les politiques d’austérité générées par ces accords ont montré leur côté le plus cruel dans la diminution significative des dépenses destinées à répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables de notre société.

Cette mauvaise tradition viole la Constitution nationale et les traités internationaux relatifs aux droits humains que nous avons adoptés et que nous sommes tenus de respecter.

Elle la viole car l’objectif fondamental de toute politique publique, selon nos normes fondamentales, est de garantir la réalisation effective des droits humains. Les respecter et les garantir est l’objectif principal de l’État.

Dans une démocratie, les organes du gouvernement doivent planifier et mettre en œuvre les politiques publiques dont ils sont responsables afin de garantir que les personnes puissent jouir de chacun de leurs droits dans toute la mesure du possible. Le niveau de démocratie substantielle d’un État devrait être mesuré par le degré concret de respect et de jouissance sans discrimination des droits humains sur son territoire.

Les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels nous nous référons, conclus dans le cadre de l’Organisation des Nations unies, qui constituent ce que l’on appelle le droit international des droits humains, lient également le Fonds monétaire international, car il fait partie de la communauté internationale et doit respecter les règles qu’il a acceptées.

Cette responsabilité s’étend aux pays qui composent le Fonds, notamment ceux qui occupent les postes les plus importants. Les Directives de Maastricht stipulent que « l’obligation des États de protéger les droits économiques, sociaux et culturels inclut également leur participation à des organisations internationales dans lesquelles ils agissent collectivement ».

Le Fonds monétaire international et les pays qui décident de ses politiques peuvent être tenus responsables de la violation des droits humains s’ils prescrivent aux nations débitrices des politiques qui ont des effets négatifs sur la jouissance des droits humains de leurs populations.

Compte tenu de ces paramètres d’analyse, nous soutenons que l’autorisation législative qui pourrait être donnée pour que notre pays conclue un accord de paiement avec le FMI doit inclure des conditions qui sauvegardent l’obligation de l’État de respecter et de garantir les droits humains.

Notre Constitution et les traités qui y sont incorporés — notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels — n’exigent pas de l’État qu’il développe une politique publique spécifique, mais ils lui ordonnent de veiller à ce que la politique qu’il élabore respecte et garantisse les droits humains, et fixent des normes qui servent à sa conception et à sa mise en œuvre.

Par conséquent, dans un éventuel accord, les deux parties doivent s’engager à respecter tous les droits humains, en prévoyant des évaluations périodiques de l’impact des politiques économiques sur les droits humains. En aucun cas, la capacité de l’État à respecter, protéger et garantir les droits humains des personnes relevant de sa juridiction ne doit être remise en cause.

Si l’État argentin et le Fonds monétaire international ne respectent pas l’exigence sérieuse de garantir ces droits, leurs actions manquent d’efficacité et de légitimité.

Il s’agit uniquement de respecter les normes convenues au niveau international bien avant que l’endettement discutable n’ait lieu. Nous pouvons le constater dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui salue « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libérés de la crainte et du besoin ». Il ne peut être fermé en aucun cas.

Guillermo Torremare
Président de l’Assemblée permanente des droits de l’homme (APDH)

Source : El Cohete a la luna