Le changement promis par Gustavo Petro, le président élu de la Colombie, nécessite inévitablement des ajustements au niveau international. Sans changements dans la politique étrangère, en particulier dans la relation avec les États-Unis, la marge de manœuvre pour mener à bien un processus de transformation au niveau national sera très limitée.

Gettyimages.ru
Cette conclusion peut être tirée des propres propositions de Petro pour s’attaquer aux problèmes les plus urgents du pays, notamment l’insécurité, la violence, ainsi que le trafic de drogue.
Le président élu a proposé d’adopter une « nouvelle approche », c’est-à-dire d’abandonner la « guerre contre la drogue », qu’il considère être un « échec ».
Sa proposition consiste, d’une part, à mettre l’accent sur le développement de l’économie productive, notamment dans les communautés rurales, et, d’autre part, à retirer aux mafias le contrôle qu’elles exercent sur la population, a-t-il expliqué dans une interview accordée à l’hebdomadaire The Economist.
Les États-Unis, cependant, tout en reconnaissant la nécessité de promouvoir la croissance économique, insistent sur l’approfondissement de la coopération dans les domaines de la sécurité et de la défense.

Vanessa Gonzalez / NurPhoto / Gettyimages.ru
La formation militaire, les exercices communs entre militaires, ainsi que les dons d’équipements et d’armes restent des priorités auxquelles le gouvernement américain ne semble pas disposé à renoncer dans ses relations avec la prochaine administration. Ce point a été précisé dans un projet de loi introduit à la Chambre haute avant que Gustavo Petro ne soit reconnu comme président élu.
L’objectif était de faire comprendre que, quel que soit le vainqueur, la politique étrangère à l’égard de la Colombie, considérée par le président Joe Biden comme la « pierre angulaire » de la politique étasunienne sur le continent, serait la même.
Quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 23 mai, le gouvernement de Joe Biden a ratifié la désignation de la Colombie comme un « allié majeur » hors OTAN.
Selon le ministère colombien des affaires étrangères, cette désignation est une « réponse » au Dialogue de Haut Niveau entre les États-Unis et la Colombie, un mécanisme de coopération qui réunit six groupes de travail sur des questions clés telles que le développement économique, l’éducation, le développement rural, la sécurité et la défense, la démocratie et les migrations.
Cette désignation n’est pas chose anodine. Bien que la Colombie ne soit pas en tant que telle membre de l’OTAN et ne souscrive donc pas à la clause de « défense collective » de l’OTAN, sa désignation, selon le gouvernement d’Iván Duque, « consolide » la relation avec Washington et offre une série d’ « avantages ».
De fait, les États-Unis cherchent déjà à donner une plus grande formalité à cette désignation par le biais d’une série de lois. Après l’annonce de la ratification par le président Biden, le Sénat a introduit le « US-Colombia Bicentennial Partnership Act », un projet de loi soutenu à la fois par les partis démocrate et républicain.

Jim Watson / AFP
Il s’agit d’un projet qui, comme le Dialogue de Haut Niveau, envisage la coopération dans un grand nombre de domaines qui vont de l’économie et du développement à la sécurité et à la défense. Cette loi aborde également des aspects tels que la défense des droits humains et du travail, et même de la nature.
L’un des points les plus controversés de ce projet de loi de 54 pages est qu’il envisage de demander de « nouveaux rapports classifiés » sur les dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), ainsi que sur leurs « activités malveillantes » à l’étranger.
Un autre aspect non moins controversé est qu’il vise à renforcer le rôle de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) dans la fourniture d’une « aide humanitaire » aux communautés rurales.
L’un des promoteurs de cette initiative est Robert Menéndez, sénateur du parti démocrate et président de la commission des relations extérieures du Sénat américain.
Pour M. Menéndez, la loi dite « du bicentenaire » est une « démonstration de la reconnaissance par les États-Unis de l’importance de la Colombie en tant qu’acteur clé sur la scène mondiale et allié proche en Amérique latine ».
À l’occasion de la célébration des 200 ans des relations diplomatiques entre les deux pays, Martha Lucía Ramírez, ministre colombienne des affaires étrangères, a salué l’initiative présentée au Sénat nord-américain : « Sénateur (Robert Menéndez), merci pour votre amitié, merci pour le projet de loi que vous avez présenté au Congrès américain, merci pour la manière franche et constructive avec laquelle vous avez toujours contribué à la conduite des relations entre la Colombie et les États-Unis ».
En ce qui concerne la coopération avec les États-Unis dans le domaine militaire, Gustavo Petro a jusqu’à présent choisi de garder un profil bas.
Contrairement à 2018, quand il qualifiait d’ « appendice » la politique étrangère de la Colombie par rapport à celle des États-Unis, sa position est désormais plus conciliante, évitant de critiquer la politique étrangère de la Maison Blanche.
Ainsi, sur la désignation de la Colombie comme « allié majeur » hors-OTAN, Petro est resté silencieux, contrairement à 2013, où il avait déclaré qu’un pays d’Amérique latine et des Caraïbes comme la Colombie n’avait rien en commun avec l’organisation atlantique.
Le président élu ne s’est pas non plus prononcé pour ou contre le projet de loi introduit au Sénat américain. Plusieurs aspects du projet de loi convergent avec les propositions de campagne de Gustavo Petro, comme la promotion du développement de l’économie productive — par la création d’un fonds de soutien aux petites et moyennes entreprises — et la protection de l’environnement, pour ne citer que deux exemples. Mais d’autres éléments n’ont rien à voir avec la « nouvelle approche » envisagée, comme la participation de la Colombie à des projets de coopération parrainés par le ministère américain de la défense, l’accès à du matériel et à des équipements militaires ou la préparation conjointe d’opérations de lutte contre le terrorisme et les stupéfiants.
Le nouveau ministre des affaires étrangères, Álvaro Leyva, a suivi la même ligne que le président élu, celle de construire des ponts en vue de mener à bien un processus de transition qui ne suscite pas de rejet de l’étranger.
Il y a donc une volonté de la part de Gustavo Petro et de son équipe de maintenir une bonne relation avec le principal allié de la Colombie sur le continent. Les autorités étasuniennes, pour leur part, ont exprimé leur intérêt non seulement pour la « continuité », mais aussi pour « l’approfondissement » de la coopération dans tous les domaines.
C’est ce que révèlent les premiers contacts de Petro avec le gouvernement de Biden dès que sa victoire est devenue officielle, ainsi que les déclarations ultérieures de responsables de haut niveau tels que Francisco Palmieri, le chargé d’affaires américain en Colombie.
M. Palmieri, qui a également participé aux échanges binationaux à l’occasion du bicentenaire des relations diplomatiques, s’est dit confiant dans la possibilité de continuer à renforcer la coopération avec le prochain gouvernement.
« Je suis convaincu que nos liens continueront à être les mêmes ou même plus forts dans les années à venir », a déclaré celui qui, jusqu’à présent, a assumé de facto les fonctions d’ambassadeur des États-Unis en Colombie en l’absence de désignation officielle par l’administration Biden.
Selon une analyse publiée par le Washington Office on Latin America (WOLA), à la suite de la victoire de Gustavo Petro, les États-Unis devraient adapter leur politique étrangère à l’égard de la Colombie.
Le texte, rédigé par la présidente du WOLA Carolina Jiménez Sandoval, attire l’attention sur la nécessité pour l’administration Biden de prendre un « engagement économique plus important » pour soutenir les accords de paix avec les FARC, d’adopter une « nouvelle approche » de la politique anti-drogue, de « renforcer » le système judiciaire et d’offrir une « réponse humanitaire » aux réfugiés et aux migrants du Venezuela et d’autres pays.
Mme Jiménez Sandoval appelle le gouvernement de Joe Biden à « entrer dans l’histoire », comme l’a déjà fait la Colombie en optant pour « une candidature présidentielle avec un message de justice sociale et d’égalité ».
Jusqu’à présent, cependant, Washington s’est contenté d’envoyer des messages indiquant qu’il n’y aurait pas de changements majeurs dans les termes de la relation bilatérale et rien n’indique que des concessions seront accordées à un gouvernement dirigé par Gustavo Petro.
Ariel Noyola Rodríguez
Source : Actualidad RT Traduction : Venesol