Les communes comptant les plus grandes populations indigènes du Chili ont voté massivement contre le « oui » à la nouvelle constitution lors du plébiscite de dimanche.

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Les raisons ne semblent pas être les mêmes que celles pour lesquelles le reste du pays a également rejeté le texte, cependant, malgré les différences, on trouve une même cause : le manque de clarté d’une proposition qui était destinée à devenir la loi suprême de tous les Chiliens.
De manière générale, la consultation historique qui visait à laisser définitivement derrière elle la Constitution de 1980, héritage de Pinochet, a obtenu un résultat clair contre le nouveau texte : 62% de la population l’a rejeté et seulement 38% l’a approuvé.
La guerre sale a été l’une des principales raisons pour lesquelles la population non autochtone a voté contre l’« approbation » ; les campagnes de désinformation et de peur affirmaient que le pays serait divisé après s’être déclaré État plurinational, et qu’en accordant la reconnaissance aux peuples ancestraux, les autochtones auraient plus de privilèges que le reste de la population et agiraient dans l’anarchie.
Cependant, si la balance penchait tellement en faveur de la population autochtone, pourquoi les communes où la présence ethnique est la plus importante ont-elles également voté contre le texte ?
La nouvelle Constitution proposée pour le Chili reconnaît les peuples Mapuche, Aymara, Rapanui, Lickanantay, Quechua, Colla, Diaguita, Chango, Kawésqar, Yagán, Selk’nam, « ainsi que « d’autres » qui pourraient « être reconnus de la manière établie par la loi ».
Toutefois, selon les chiffres compilés par le Service national du Chili (Servel), lors du plébiscite, les communes comptant les plus grandes populations autochtones du pays ont rejeté le projet constitutionnel.
Par exemple, à Alto Biobío, où 84,20 % de la population est autochtone, le « rejet » a atteint 70,75 %. À Saavedra (79,60 % de population autochtone), le « rejet » l’a emporté avec 68,05 % des voix. À Cholchol, où 75,30 % des personnes se sont déclarées autochtones, 73,82 % de la population a rejeté la proposition. A Tirúa (70,40% de population indigène), le « rejet » a obtenu 77,25% des voix. À Galvarino (69,20 % d’autochtones), le « rejet » est de 74,91 %. Il en a été de même pour le reste des communes ayant la plus grande population indigène.

Le comportement de rejet du nouveau texte constitutionnel a été écrasant, ce qui soulève la question de savoir pourquoi il n’a pas été approuvé, surtout dans un processus historique pour le pays dans lequel plus de 13 millions de personnes ont voté (environ 85% de la population) et où un résultat plus équilibré était attendu.
Alors que l’actuelle Constitution ne fait aucune référence aux peuples autochtones, la nouvelle proposition prévoit l’autonomie et la reconnaissance d’au moins 11 peuples et nations autochtones. Dès le premier article, le texte souligne la « plurinationalité » de l’État, mais l’article 3 précise que le Chili est un « territoire unique et indivisible ». Ainsi, pour une partie de la population indigène, la proposition plaçait une fois de plus l’État au-dessus de la plurinationalité exigée par les peuples originaires, leur refusant la reconnaissance égalitaire qu’ils demandaient.
Toutefois le vote indigène semble avoir un arrière-plan qui indique l’absence de consensus avant la construction du document, en particulier compte tenu des divergences croissantes avec Héctor Llaitul, l’un des dirigeants de la population indigène mapuche et représentant du Comité de coordination Arauco-Malleco (CAM), qui a appelé il y a quelques mois à prendre les armes en traitant publiquement le gouvernement de Gabriel Boric de « laquais » chargé de maintenir une « dictature militaire » active dans le territoire mapuche, une communauté qui a qualifié le plébiscite de « spectacle folklorique ».
Llaitul, ainsi que d’autres dirigeants mapuches, a été arrêté 11 jours avant le plébiscite. Son emprisonnement aurait donc pu inciter le vote indigène, qui représente plus de 2 millions de personnes au Chili, à manifester contre la nouvelle constitution en représailles à l’arrestation de leur dirigeant et du gouvernement, qui a soutenu l’« approbation ».
Une autre raison qui aurait pu influencer le vote indigène est la prolongation par Boric de la mesure de militarisation et d’état d’exception dans une grande partie du territoire indigène connu sous le nom de Macrozone Sud du pays, qui a commencé à être mise en œuvre pendant le gouvernement de Piñera et a été dénoncée par la communauté Mapuche comme une violation du « Wallmapu », le territoire revendiqué par les Mapuches comme leur appartenant en raison de leur occupation ancestrale.
D’autres revendications restent en suspens, liées à l’activité minière et aux projets d’énergie éolienne dans les territoires autochtones, ainsi que la persécution des communautés autochtones, principalement à l’encontre des enfants et des femmes, qui dénoncent des abus constants de la part des forces de sécurité et des propriétaires fonciers.
Pour l’instant, il semble que le rejet du texte proposé par le vote indigène ne soit pas défavorable à l’égard de la création d’une nouvelle constitution, mais qu’il mette sur la table l’impact d’une série d’événements et de circonstances, y compris certains scandales, qui ont conduit à la relance du processus constituant, sur lequel le président lui-même parie.
Source : Actualidad rt Traduction : Venesol