Elizabeth Gómez Alcorta démissionne après l’expulsion de la communauté mapuche Lafken Winkul Mapu

La ministre des Femmes, du Genre et de la Diversité, Elizabeth Gómez Alcorta, a remis en question les actions violentes des forces de sécurité et a présenté sa démission, qui a été acceptée par le Président. Les organisations de défense des droits humains critiquent le gouvernement.

(Source : EFE)

La ministre des Femmes, du Genre et de la Diversité, Elizabeth Gómez Alcorta, a présenté sa « démission irrévocable » en raison des interventions du gouvernement national pendant et après l’expulsion de la communauté mapuche Lafken Winkul Mapu, à Villa Mascardi. Ces événements « sont incompatibles avec les valeurs que je défends en tant que projet politique », a-t-elle déclaré dans sa lettre au président Alberto Fernández qui a accepté sa démission.

Ce que dit la lettre de démission d’Elizabeth Gómez Alcorta

« Les faits de notoriété publique déclenchés à Villa Mascardi par l’expulsion ordonnée contre la communauté Lafken Winkul Mapu, dans laquelle des femmes et des enfants ont été arrêtés, avec la participation des forces fédérales, sont incompatibles avec les valeurs que je défends en tant que projet politique », a souligné Gómez Alcorta comme argument central de sa démission.

Elle a également qualifié de « violations évidentes des droits humains » le fait que, pendant cette opération, sept femmes mapuches ont été détenues, deux d’entre elles avec leurs enfants qu’elles allaitent, une enceinte et les quatre autres qui ont été transférées de Río Negro à la prison d’Ezeiza, dans la province de Buenos Aires, par décision judiciaire.

En ce sens, elle a estimé qu’« indépendamment de la responsabilité directe » de la magistrate dans cette décision, le gouvernement national « mérite une réponse politique forte » à cette décision. « Une limite a été franchie, je dois donc me retirer », a-t-elle déclaré dans sa lettre.

La gestion du ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité

La lettre de démission de trois pages dresse ensuite un bilan positif des politiques mises en œuvre par le premier ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité de l’histoire de l’Argentine.

Parmi les réalisations, Mme Gómez Alcorta a salué l’adoption de la loi sur l’avortement légal, sûr et gratuit, la loi sur les 1000 jours (loi d’Attention et Soins de santé intégraux pendant la grossesse et la petite enfance), l’inclusion des travestis et des transgenres sur le marché du travail, la création de la carte d’identité non binaire, le programme Acompañar pour les femmes victimes de violence sexiste et le système intégré des cas de violence sexiste, qui fournit un soutien.

« Nous avons réalisé tout cela en utilisant 89 et 97 % du budget alloué pour 2020 et 2021 », a-t-elle déclaré, n’hésitant pas à affirmer que « la politique remarquable du gouvernement national dans ce domaine est aujourd’hui, sans aucun doute, largement reconnue au niveau international ».

Elle a également consacré un paragraphe à l’opposition, qui a remis en question l’existence de ce ministère et de ses politiques au fil des ans : « Lorsque la droite crie, donne des coups de pied et argumente contre notre programme, lorsqu’elle prétend que le ministère doit être fermé, que son budget doit être réduit ou lorsqu’elle affirme qu’il s’agit d’un programme minoritaire, nous sommes certains qu’il s’agit des mêmes personnes qui ont toujours voulu construire une société pour quelques-uns et qui représentent des projets profondément élitistes, autoritaires et antidémocratiques ».

Pour clôre sa lettre, la ministre a critiqué le gouvernement national car, malgré « tout ce qui a été fait » pendant son administration, c’est « sans aucun doute insuffisant » car « les niveaux de violence et d’inégalité avec lesquels nous coexistons au quotidien » persistent. Sur ce point, elle a recommandé au chef de l’exécutif national de « ne jamais reculer et de toujours aller plus loin ».

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Désaveux de l’expulsion à Villa Mascardi

Le CELS (Centre d’études légales et sociales), l’APDH (Assemblée permanente pour les droits humains), la Ligue argentine des droits humains et les avocats des femmes envoyées à Ezeiza ont également présenté une pétition d’habeas corpus pour les irrégularités dans le transfert, qui a eu lieu « de manière illégitime, arbitraire et disproportionnée par les autorités de la police fédérale argentine, en conformité avec une ordonnance judiciaire qui était également illégitime, arbitraire, disproportionnée et excessive ».

« Les arrestations ont eu lieu dans le cadre d’une affaire à laquelle on n’a pas encore eu accès. Nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles non seulement l’expulsion mais aussi les arrestations ont été ordonnées », a expliqué Diego Morales, directeur des litiges au CELS. « Les faits dont elles sont accusées se situent en Patagonie, la juge qui a ordonné leur détention est de Patagonie, nous ne comprenons pas les maltraitances infligées à ces quatre femmes », a-t-il déclaré. Il a ajouté qu’ « elles ne connaissent pas les charges, elles n’ont pas fait de dépositions » et « n’ont pas eu de contact avec leurs avocats ». Leur transfert à Eizeiza « est une mesure extrêmement violente, qui laisse en suspens de nombreux droits dont dispose toute personne dans le cadre d’un processus judiciaire, et est fondé sur leur statut de femme et sur leur identité culturelle mapuche ».

Le Comité de coordination du Parlement du peuple Mapuche Tehuelche de Río Negro a tenu une conférence de presse hier à Bariloche pour dénoncer les actions des forces fédérales et a annoncé que les communautés ont demandé la mise en place d’une table de dialogue avec les autorités du gouvernement national et de Río Negro pour le 12 octobre. « Ce sont des jours très difficiles pour nous en tant que peuple. Ce qui se passe rappelle la campagne du désert », a déploré le werken (porte-parole) Orlando Carriqueo. Il a reproché à la juge Dominguez le fait qu’après les arrestations, il y a eu « une détention au secret, un procès-verbal secret, un retard pour permettre à la défense d’être entendue », expliquant que « l’impunité » fait « souffrir » le peuple Mapuche et a demandé l’intervention du Secrétariat des droits humains. M. Carriqueo a rappelé que « la violence sur ce territoire a toujours été imposée par l’État » déclarant que les communautés étaient appelées à « renforcer leur spiritualité, car c’est là que nous trouverons la tempérance pour trouver le chemin du dialogue ».

Les députés du bloc Frente de Todos ont également désavoué l’opération, déclarant qu’il y avait « une violation évidente des droits et une absence totale de perspective de genre dans la procédure ».

Source : Pagina|12